Innovation 67 par Patrick Weber et Baudouin Deville

Sortie VF le 12 novembre 2021

Présentation de l'éditeur : Anspach Editions

1967. Devenue journaliste, Kathleen se rend à Paris pour un reportage. Une occasion pour profiter de la vie nocturne à Saint-Germain-des-Prés. Elle y fait la connaissance de Tom. Ils se reverront à Bruxelles et elle en tombera éperdument amoureuse.Le personnel du grand magasin Innovation, construit en partie par Victor Horta, à Bruxelles, se prépare à mettre à l'honneur des produits venus des USA lors d'une « Semaine Américaine ». Mais dans les rues, la contestation gronde. L'extrême-gauche multiplie les manifestations pour stopper l'impérialisme américain et l'implication des USA dans la guerre du Viêtnam. Alors qu'une odeur de brûlé se répand dans les rayons de l'Innovation, une personne lâche : « je donne ma vie pour le Viêtnam ». Plus de 260 personnes y trouveront la mort. Kathleen couvrira le déroulement de l'enquête. Les antiimpérialistes sont-ils responsables de l'incendie ? Quel est le rôle de Tom ? Pourquoi Kathleen a-t-elle l'impression qu'il joue un double-jeu ?

L'avis de Block

Après « Bruxelles 43 », « Sourire 58 » et « Léopoldville 60 », Patrick Weber poursuit ses chroniques de l’après-guerre belge en abordant, à travers les aventures de Kathleen, les évènements clés qui ont jalonné l’histoire de ce pays. Avec « Innovation 67 », il s’attèle au terrible incendie qui a ravagé ce grand magasin bruxellois le 22 mai 1967, coûtant la vie de 251 personnes et en blessant 62 autres.

Le sujet est d’un maniement délicat : il n’est pas évident de construire un thriller historique sur une telle tragédie, qui a traumatisé la nation belge. Mais le scénariste a trouvé l’angle et le ton juste, et déroule un récit d’une implacable efficacité. En s’appuyant sur une structure narrative classique en trois actes - présentation du contexte et des protagonistes, l’incendie, puis le dénouement – Patrick Weber narre une histoire riche et haletante où se mêlent en toile de fond, autour de la catastrophe centrale, les mouvements pacifistes contre le brutal impérialisme américain, l’émancipation des femmes, l’essor de la consommation de masse, sans pour autant négliger les enjeux individuels des personnages, qui demeurent toujours au premier plan.

Grâce à cette mécanique savamment huilée, Patrick Weber parvient à mettre en scène une impressionnante galerie de personnages, en donnant à chacun son espace et sa respiration, tout en les faisant inévitablement graviter vers le drame. L’incendie est reconstitué avec pudeur. Plutôt que d’en exploiter la dimension spectaculaire, les auteurs ont choisi de l’aborder sous l’angle humain, à hauteur de regard, et le résultat n’en est que plus saisissant.

Dans l’illustration de cette apocalypse comme dans les scènes de dialogue ou d’action, la ligne claire de Baudoin Deville, magnifiée par la mise en couleur moderne de la talentueuse Bérangère Marquebreucq, élève habilement le récit. Sa facture classique nous plonge avec une certaine nostalgie dans l’âge d’or de la bd belge, qui colle parfaitement au contexte des évènements. Baudoin Deville démontre aussi un sens aigu de détail dans la reconstitution précise et minutieuse de Paris puis de Bruxelles, nous donnant ainsi l’impression de revoir un film d’époque.

Innovation 67 est une indéniable réussite, portée par une équipe d’auteurs en pleine maîtrise de leur art, et qui confirme la qualité de cette série. Ce nouvel album trouvera certainement sa place sous les sapins !